La Tour Sombre - Stephen King - Fantasy [14]

Stephen King - Le Pistolero
"Et le chevalier Roland..."

Sortie: 1982
Éditeur: Grant


Note Générale: 08/20

Premier roman de la Jupiter du système solaire de l'imagination de Stephen King, le Pistolero ressemble plus à un recueil de textes qu'un véritable roman. Et même la révision opéré en 2003 ne change finalement pas grand chose ; le récit reste déstructuré, la fluidité de l'histoire quelque peu compromise et le style de l'auteur varie fortement d'un passage à l'autre (cela étant dû au fait que la trame soit composée par des mini-nouvelles éclatées sur une période d'une dizaine d'années), difficile dans ses conditions d'atteindre la fin du tome, qui en plus est loin d'être épais. Cependant, tout n'est pas mauvais dans ce livre, l'univers western un peu mystique avec ses références bibliques mis en place et les personnes tout aussi énigmatiques qui y traînent sont des points intéressants à plus d'un titre.

Nul besoin d'être un génie pour comprendre que ce tome est en fait le passage obligé pour quiconque veut entreprendre la lecture de ce cycle, que ce soit la mise en place du décor et des personnages ou encore la révélation mystico-religieuse de fin, elles convergent toutes vers le prochain, ou plutôt devrais-je dire "les prochains", livre de cette saga qui s'annonce beaucoup plus intéressant que le premier. Malheureusement, certaines personnes n'auront peut-être pas cette volonté et pourront être rebutées de cette saga par le passage nécessaire mais ennuyeux, n'ayons pas peur des mots, du Pistolero.

Jaquette: 17/20

Le flingue, le corbeau, la tour en arrière-plan, c'est du joli.

Stephen King - Les Trois Cartes
"... passa par le XXème siècle..."

Sortie: 1987
Editeur: Grant


Note Générale: 14/20

Après nous avoir laissé sur un livre relativement peu charmant, Stephen King reprend ce qu'il maîtrise le mieux, à savoir le suspense, et dans l'environnement qu'il maîtrise le mieux: la côte Est des Etats-Unis fin XXème siècle. Est-ce à dessein de récupérer l'intérêt de ses lecteurs? Cette supposition ne semble pas si farfelue que ça. Dans le prolongement plus ou moins direct du Pistolero, Roland est abandonné sur une plage inhospitalière et doit franchir trois portes qui vont lui permettre de voyager dans le temps et d'y trouver les membres qu'il l'accompagneront dans son périple. De ses vas-et-viens dans notre monde contemporain où un inévitable choc des cultures se produit, il en retire deux alliés: Eddie, héros stephen-kingien, à savoir blasé du monde dans lequel il vit, contre l'autorité et au langage assez fleuri et Odetta, femme noire handicapée à la double personnalité violente, protagoniste beaucoup plus intéressant psychologiquement parlant.

En ce qui concerne la structure à proprement parler, par rapport au premier tome, elle est évidemment mieux charpentée et beaucoup plus rythmée, notamment par de nombreux rebondissements et, comme souvent avec Stephen King, par une course-contre-la-montre. Les quêtes de Roland sont assez variées et suffisamment pleines de péripéties en tout genre, surtout la dernière avec Jack, pour conserver l'attention des lecteurs. Et si on perd malheureusement l'aura troublante et mystique qui peut avoir ravi certaines personnes à la lecture du Pistolero, ce second tome est beaucoup plus efficace et haletant, il préfigure une grande et longue histoire à laquelle il devient de plus en plus difficile de résister.

Jaquette: 17/20

Les trois portes, les trois choix, un beau jeu de lumière.

Stephen King - Terres perdues
"... pour enfin revenir chez lui...

Sortie: 1991
Editeur: Grant


Note Générale: 14/20

Enfin de retour dans son monde et dans sa réalité parallèle , Roland entreprend la formation de ses nouveaux alliés et se met à la recherche de Jack, l'enfant qu'il avait perdu dans le premier tome. Stephen King développe alors le monde du Pistolero, qui n'est plus vraiment le même quand les souvenirs de ce dernier, et qui apparaît plus métallique et encore plus décharné. Le point central du livre est le passage par Lud, ville post-apocalyptique qui fait étrangement penser à New York, où les événements et les rebondissements vont se succéder à un vitesse effrayante, amenant une nouvelle fois une sensation mitigée typique, propre à Stephen King, à la fois de suspense et de course-contre-le temps. Même la fin s'achève sur ce sentiment d'interruption inopinée, donnant alors l'envie au lecteur de reprendre le fil de la narration dans le tome suivant.

Le traitement psychologique des différents héros est aussi une des grandes qualités de cette série et notamment le passé, souvent douloureux, de chacun permet de comprendre ses motivations profondes, presque toujours livré par bribes désordonnées, et donnant toujours envie d’en savoir plus. Plein à ras bord de péripéties diverses et d'idées différentes, Terre Perdues est un bon roman d'aventure, haletant jusqu'à l'excès.

Jaquette: 16/20

Le monorail dans la brume, toujours la tour en arrière-plan, toujours pas mal.

Stephen King - Magie et Cristal
"... raconter une triste histoire..."

Sortie: 1997
Editeur: Grant


Note Générale: 13/20

Après un bref passage par le monorail Blaine (et par son concours de devinettes ma foi dépaysant) et par la ville post-apocalyptique de Topeka en usant de nombreuses références (que ce soit au Seigneur des Anneaux, au Magicien d'Oz ou à ses propres livres, comme le Fléau), Roland nous replonge dans son passé en nous narrant son histoire et celle de son amour de jeunesse, Susan. Stephen King nous emmène dans un univers étrange car lointain dans le temps par rapport à celui que les héros traversent et nous propose de nouveaux personnages, parfaitement crédibles et sincères.

Certes, l'histoire de Roland et de Susan est parfaitement menée, bien qu'un peu lente, et dénote les qualités de sensibilité et de sincérité dans la plume de King, capable ici de s'extirper du style dans lequel il est généralement définit. Il offre une fresque à la fois héroïque, romantique et touchante qui redéfinit totalement le talent de l'écrivain, peu habitué à pareil exercice de style mais dans lequel il se débrouille pourtant à merveille. Malheureusement, là où le bât blesse c'est qu'à la lecture de celle-ci, qui ne se rapproche pas vraiment de la quête de la Tour Sombre, on est en droit de se demander si Stephen King n'a pas rajouté des longueurs pour rallonger la taille de son cycle. Sa volonté de "faire le cycle le plus long qui ait jamais existé" se retrouve entièrement dans ce Magie et Cristal dispensable. Sans nul doute, Magie et Cristal constituerait un formidable roman s'il avait été publiée à part mais ici, insérée tant bien que mal (un peu comme une nouvelle dans un recueil de nouvelles) dans un cycle qui jusque là tentait de rester cohérent et continu, il ne semble être qu'une parenthèse. Jolie certes mais comme toute parenthèse, pas vraiment nécessaire.

Jaquette: 14/20

Moins emballée par celle-ci, le palantir en premier plan, la femme cachée dans une ombre rougeâtre.

Stephen King - Les Loups de la Calla
"... pour reprendre le chemin..."

Sortie: 2003
Editeur: Grant


Note Générale: 10/20

Encore une désagréable impression qui se dégage une fois la lecture de ce tome terminée, et une impression récurrente décidément, celle que le corps principal de l'histoire n'a pas beaucoup de lien avec l'histoire de la Tour Sombre à proprement parler. En effet, le passage par le village de Calla n'apporte pas vraiment d'eau au moulin, surtout que l'action est laissé au second plan par rapport à de longues palabres souvent inutiles. On pensera notamment au récit du père Callahan, héros de Salem de Stephen King, inutilement incorporé au récit et qui l'allonge péniblement, multipliant les références implicites à ses autres romans (difficile pour celui qui n'a jamais ouvert un autre King de comprendre les allusions). Quant à la nouvelle personnalité dans l'esprit de Susannah, Mia, même si le principe est différent, elle sent quand même le déjà-vu.

Heureusement, la dernière partie du récit, s'étalant sur à peine 50 pages, ramène le roman là où il aurait dû se trouver dans sa totalité, c'est-à-dire dans le monde des pistoleros, de l'action, du rythme, des fusillades et du far-west. Véritable retour aux sources, bataille haletante et conclusion pleine de suspense et de questionnement, le seul regret vient du fait qu'il faut avaler les centaines de pages précédentes pour y arriver, et cela peut être malheureusement rédhibitoire. Reste la complexité de la personnalité des protagonistes, le sens de l'écriture de King et les aller-retours, courts mais intenses, dans le XXème siècle pour tenir jusque là.

Jaquette: 17/20

Le loup dans l'ombre de la Lune. Très joli.

Stephen King - Le chant de Susannah
"... très long..."

Sortie: 2004
Editeur: Grant.


Note Générale: 11/20

Moins dans l'aspect fourre-tout recueil de nouvelles transformé pour l'occasion en roman, Le Chant de Susannah n'en est pas moins un tome dispensable, comme Les Loups de la Calla, qui font figures à la fois de points charnières (car ils permettent toutefois la progression de l'histoire et des protagonistes) et de ventres mous de la saga (car cette progression est inutilement lente et loin d'être parfaite). De retour dans le XXème siècle notre groupe de pistoleros va se disperser, une partie est lancée à la poursuite de Mia, nouvelle personnalité de Susannah tandis que l'autre est chargé de protéger la rose, symbole de la Tour Sombre dans ce monde. On peut se demander pourquoi ce besoin sans cesse de quitter le monde de Roland pour revenir dans notre monde à nous, mais il me semble que la réponse est que la plume de King aime revenir sur les lieux et époques qu'il maîtrise parfaitement.

Côté histoire, il faut bien admettre que la poursuite de Mia est mise au second plan, comme si l'auteur ne voulait justement pas qu'on la retrouve, et que c'est la partie avec Roland et Eddie qui est donc mise en avant. Pas mal menée, avec son lot de rebondissements, elle est intéressante pour notamment la présence de Stephen King en tant que personnage (pour ajouter encore plus de réflexion à ce tome) et pour les phases d'action, toujours très prenantes. Malheureusement, reste la désagréable sensation que ce tome n'est qu'une étape nécessaire pour amener le dernier bouquin de la saga et qu'en conséquence, celui-ci est loin de littéralement nous emporter. En espérant que la Tour Sombre le fera...

Jaquette: 15/20

Une tortue, la tour en arrière-plan comme toujours, ça reste encore très joli.

Stephen King - La Tour Sombre
"... de la Tour Sombre."

Sortie: 2004
Editeur: Grant


Note Générale: 17/20

Le point crucial, qui ne doit en aucun cas être bâclé dans pareille saga, de pareille ampleur, c'est sans aucun doute le tome final. Et je crois que Stephen King partage pareille appréciation. Mettant de côté le scénario « patchwork » et le déroulement des événements un peu stagnant des précédents épisodes, ce dernier tome semble revenir à ce qui offrait une saveur particulière au cycle, à savoir le suspense, les chassés-croisés narratifs et les courses contre-la-montre.  Premièrement, on assiste enfin à l’accouchement de Susannah, événement mis en branle et traînant depuis déjà deux tomes. Avec cet événement fortement attendu, un nouveau personnage, Mordreth, est mis en place et il faut bien avouer qu’il véhicule une aura de fantaisie inquiétante qui se couple à merveille avec l’ambiance malsaine du Cochon du Sud. Deuxièmement, d’un autre côté, l’aventure d’Eddie et de Roland est tout aussi haletante et pleines de rebondissements, ce qui manquait cruellement depuis bien longtemps.

Niveau personnages, il y a grand nombre de remarques à faire ; psychologiquement bien développés et aux dialogues taillés sur mesure mais loin de faire figure de modèles dans le genre, ils révèlent toutefois dans ce tome, dans l’action qui y est sous-jacente surtout, toute l’expression de leur personnalité. L’auteur nous affuble de bon nombre de personnages pour le moins atypiques, dont notamment le fils de Roland, l'Artiste ou encore Stephen King lui-même, et le pire, c’est que ces idées qu’on pourrait qualifier de saugrenues provoquent un réel intérêt à la lecture par chamboulement des codes et dislocation de la linéarité de l’histoire, ce qui n’en est que plus surprenant. Niveau style, on est loin d’être en reste même si comme on l’a déjà dit, le talent s’exprime plus dans l’action et les événements que dans la prose au sens premier du terme ; néanmoins, il parvient à nous retranscrire parfaitement l’atmosphère qui règne dans ce dernier tome et à certains moments, notamment quand Roland se dirige à travers les landes désertes vers la Tour Sombre, toute la solitude et la peine des personnages.

Mais là où il y a de quoi être impressionné, c’est par la fin de l’histoire. En mettant de côté la fin auxiliaire qui est promise au ka-tet et qui sonne beaucoup trop happy-end et bon enfant pour enthousiasmer un lecteur aguerri, il a de quoi de rester pantois devant la manière dont King met fin à un cycle qui lui aura pris un temps considérable (la moitié de sa vie quasiment) et un nombre de pages presque infini. Mais une fois l’étonnement passé, on constate que cette conclusion est réellement le point d’orgue de ce cycle et qu’il aurait été criminel de le terminer d’une autre façon. Certains pointerons du doigt la facilité narrative mais une grande majorité des lecteurs reconnaîtra la symbolique et le mysticisme véhiculés par cette fin rappelant ainsi le côté spirituel et illuminé du Pistolero. La boucle est bouclée.

Jaquette : 15/20

Pas mal mais certaines des précédentes véhiculaient plus de symbolique. Cela reste évidemment joli mais il manque quelque chose, ce qui est un peu dommage.


Note Générale : 14/20

Alors, voilà, que retenir de cette saga ? Tout d’abord, que ce que Stephen King a prénommé la « Jupiter du système solaire de son imagination » n’en mérite pas moins son nom. Histoires complexes, personnages fouillés psychologiquement (la palme d’or allant directement dans les bras de notre Pistolero, Roland), nombreuses références cinématographiques et littéraires, souvent des renvois à ses propres livres et ses propres personnages, tout ça donne évidemment l’impression fugitive (n’exagérons pas en affirmant que ce cycle relie parfaitement tous les livres écrits par King) que ces sept livres sont les pièces maîtresses de la machine littéraire que King a mis en place il y a bien longtemps.

Malheureusement, là où il y a matière à discussion, c’est en ce qui concerne la cohésion et la qualité du scénario ; sans toutefois clamer qu’il est plein d’incohérences, il faut bien admettre que certains tomes proposent parfois des histoires au rapport ténu avec la trame principale et qui rapprochent davantage le tome du recueil de nouvelles plutôt que du roman à l’histoire solide, les principaux exemples qui viennent en tête sont notamment le récit de Callahan ou la longue mais sentimentale histoire de Roland. Certains pourront trouver du charme à cette structure quelque peu désorganisée, comme certains lecteurs ont pu considérer Le Pistolero comme le meilleur tome de la saga.

En ce qui concerne la qualité du scénario en elle-même, nous ne nous attarderons pas sur les thèmes véhiculés, les personnages créés ou la mythologie inventée par King parce qu’elle est tout ce qu’il a de consistant techniquement parlant mais plutôt sur la trame narrative. En effet, dans certains tomes (Les Loups de la Calla, Le Chant de Susannah, voire même Le Pistolero), elle est clairement en deçà de ce que « le maître du suspense » est capable de faire. Progression très lente, peu de rebondissements et d’événements qui viennent perturber le lecteur dans son confort littéraire comme King sait si bien le faire, et surtout une très mauvaise impression de vouloir faire des pages pour grossir la taille du cycle. Alors, bien sûr, il y a des tomes où l’impression est tout autre (Les Trois Cartes, Terres Perdues ou La Tour Sombre) et où le suspense reprend ses droits et mets nos personnages aux prises contre bien des adversaires, dont souvent le temps, et c’est sans doute dans ces moments d’action que le génie de l’auteur s’exprime le mieux. Et c’est, sans ambiguïté, pour ces moments-là que l’on avale sans se plaindre certaines longueurs discutables de la part de l’auteur.