Running Man - Stephen King - SF [15]

Stephen King - Running Man
« La Grande Traque »

Sortie: 1982
Editeur: New American Library



Style: 14/20

Véritable domaine de prédilection de l’auteur, la fin du XXème siècle est sans nul doute la période qu’il maîtrise le mieux. Que ce soit le langage cru et acide des dialogues, les lieux décrits rapidement mais sordidement ou la psychologie des personnages, véritablement humains dans leur comportement, on ne peut qu’admirer, malgré une certaine simplicité dans l’écriture, la facilité avec laquelle Stephen King nous emmène dans un univers particulier mais un univers, qui comme presque toujours avec lui, ressemble étrangement au nôtre. Avec une écriture limpide, sans longueurs inutiles, et avec des propos parfois prévisibles mais toujours intelligents, le livre, une fois entamé ne se repose qu’une fois fini.

Personnages: 15/20

Avec un suspense quasiment à son comble, c’est le cœur battant que nous fuyons avec Ben. Certes, le personnage n’est pas vraiment charismatique, ni encore moins attachant mais c’est dans le feu de l’action que finalement les palpitations du cœur du lecteur vont s’accorder avec celle du héros. On est emmené avec lui aux tréfonds de sa paranoïa et de ses tremblements intérieurs. D’ailleurs, la scène de la proposition à la fin du récit et des choix possibles est une magnifique illustration où le lecteur s’identifie pleinement au héros.

Pour les autres protagonistes, ils s’illustrent principalement au travers leur statut social, c’est-à-dire les pauvres et les riches, et on remarque la fracture sociale importante entre ces deux « peuples » car chacun, asservi au Libertel et aux médias, ne sait finalement le pourquoi de ce comment et ne semble pas s’inquiéter de la dégradation continue de leurs rapports. Mais l’auteur montre que tout reste possible et que les choses ne sont pas amenées à rester figées, en témoignent notamment le protagoniste principal, le black de Boston et son correspondant ou encore Amélia.

Scénario: 17/20

Afin de soigner sa fille et de sauver sa femme de la prostitution, un homme, Ben Richards est volontaire pour participer aux jeux télévisés, véritable opium du peuple de l’Amérique. Ainsi il finit par être sélectionné pour le jeu ultime, la Grande Traque, dont l'objectif est simple : survivre aussi longtemps que possible. Un bon concept de départ, quelques bonnes idées ça et là suffisent au maître du suspense pour y instiller tout son art et offrir finalement une course-poursuite haletante.

Évidemment en marge de cela et si on part du fait que le livre a été écrit début des années ‘80, la vision prophétique sur la télé-réalité de l’auteur est fort intéressante à noter, surtout quand on voit à l’heure actuelle ses nombreux détournements et ses dérives. En poussant celle-ci jusqu’à son paroxysme, il nous montre ce qui peut-être se passer dans un futur proche. Mais il ne s’arrête pas là et ré-attaque, toujours au fer chaud et avec cette même verve visionnaire, à la pollution qui menace inéluctablement la planète ou encore à la dichotomie radicale qui se creuse entre les pauvres et les riches. Enfin, même si son propos rappelle inévitablement celui de 1984 et de George Orwell, il finit en tirant des boulets chauds sur la manipulation des masses, notamment de la part des médias. Même la fin est malheureusement prophétique.

Certains reprocheront l’inspiration, non cachée, qu’aura eu King sur le Prix du Danger de Sheckley mais d’aucun ne pourra contredire le fait que de ce court texte, seul la base en a été retenue et que le roman de Stephen King est beaucoup plus abouti et complexe que ce dernier. D’ailleurs dans ce livre, les idées propres à Orwell sont beaucoup plus nombreuses que celles véritablement propres à Sheckley.

Note Générale: 15/20

S’il est vrai que Stephen King est surtout connu pour son apport dans le fantastique, domaine dont il constitue une figure de proue, il n’en est pas moins efficace dans d’autres domaines comme ici l’anticipation et la science-fiction. On retrouve évidemment dans ces pages la maîtrise de l’écrivain dans le suspense et dans le déroulement, ici frénétique et palpitant, des événements mais au-delà de ça, ce qu’il faut saluer, c’est le côté totalement visionnaire de l’œuvre. Écologie, fracture sociale, asservissement des masses, dérives de la télévision ainsi que du matraquage télévisuel sont tant de thèmes sous-jacents au récit et qui, au-delà d’une course contre le temps d'un homme traqué à mort, certes parfaitement huilée, permettent de prolonger la réflexion une fois le livre fermé sur ce qu’on peut attendre du futur. Surtout à l’heure actuelle où il n’a visiblement pas pris une ride.

Jaquette: 17/20

Les nombreux écrans de télévision, le Libertel dans toute sa puissance. Plein de symbolisme.