Des Tyrans et des Rois - John Marco - Fantasy [16]

John Marco - Des Tyrans et des Rois
"Guerres et (fausses) paix"

Sortie: 1999-2001
Editeur: Bantam Spectra


Style : 16/20

L’auteur maîtrise clairement son récit, il nous offre une trame efficace aux nombreux rebondissements et aux points de vues aussi diversifiés qu’intéressants. Sur le premier tome, le Chacal de Nar, cette caractéristique est poussée à son paroxysme tant la narration ne laisse aucun temps mort, ne permettant au lecteur que le choix de dévorer les pages, les unes après les autres. Il nous offre des images pleines de puissance quand il nous dépeint, dans un style cru et authentique, la guerre et plus particulièrement la défense de Lucel-lor, démontrant qu’il maîtrise parfaitement les grandes fresques guerrières.

Il récidive dans le second opus, le Grand Dessein, en nous proposant là des batailles maritimes d’une belle intensité et conclut dans le dernier tome, les Saints de l’Epée, en mettant en scène sur divers points de vue une immense bataille. On reste bouche bée par la cascade d'événements en crescendo, pour aboutir à une gigantesque lutte au niveau mondial que l'auteur nous fait découvrir petit à petit avec un art qui démontre son talent du suspense. Il profite même de sa jolie plume pour ajouter, tout au long du récit, un soupçon de lourdeur à l'atmosphère oppressante qui entoure les protagonistes et qui rend l’ambiance toute particulière.

Personnages : 16/20

Il est clair que les personnages des Tyrans et des Rois ont fait l'objet de recherches visiblement poussées, chacun possédant une personnalité qui lui est propre et qui n'est pas nécessairement pure, loin s'en faut. Personnages maléfiques et moins maléfiques (ne vous attendez pas à trouver dans ce récit un personnage comme Garion ou Pug) expriment donc au travers de la plume de John Marco diverses émotions, le poids des choix étant le plus représenté. Les différents protagonistes sont en effet soumis à diverses options qui vont changer radicalement le cours de l'histoire et ajouter à son caractère surprenant. En effet, tous agissent selon leurs sentiments et ceux-ci sont souvent ambigus et d’autant plus mystérieux. Tous sont uniques, il n'y en a pas un qui pense comme l'autre.

Le Prince Richius Vantran n'est pas un héros comme les autres. Poussé d'un côté par un père désireux de ne pas tomber en disgrâce auprès de l'empereur de Nar et de l'autre par son dégoût pour la cause qu'il défend, son amour pour une étrangère, une triine, lui fera prendre des risques inconsidérés pour aller la sauver, trahissant ainsi le puissant empereur. Et si le pitch de notre protagoniste principal est tout ce qu'il y a de plus croustillant, surtout que dans les premières pages du roman, on le dépeint de manière très humaine comme un guerrier dégoûté pas les horreurs de la guerre, il perd petit à petit de sa saveur pour devenir un banal héros un peu perdu dans le monde qui l'entoure. Son côté boy-scout, un peu candide, malgré son statut de prince, sonne un peu faux et nul doute qu'à la lecture de cette trilogie, ce n'est pas ce personnage qui aura retenu l'attention de tous les lecteurs.

Car c'est sans importance au final. Car c’est vraiment avec les personnages secondaires que Marco atteint ce qu'on pourrait appeler un summum en matière de complexité psychologique. Ainsi, dans le deuxième volume, il nous présente l'Archevêque Herrith aux mains pleines de sang de ses victimes massacrées au nom de Dieu et qui est pris de remords et le comte Biagio qui doute, à présent, du bien-fondé de sa traque du Chacal de Nar ; il s'agit sans nul doute des personnages les plus aboutis du cycle. Et même si dans le troisième volume, Tassis Gayle reprend le rôle de grand méchant sans grande finesse, sa mauvaise prestation est noyée par les nombreux seconds couteaux (les Lyssiens, Voris le Loup, Alazian Leth pour ne citer qu’eux) qui relèvent efficacement une trame narrative qui aurait pu tomber dans l'oubli si on l'avait exclusivement vécue au travers des yeux du Prince Richius.

Scénario : 15/20

Si l’histoire des Tyrans et des Rois en elle-même n’a rien de réellement novateur, elle va chercher ses qualités ailleurs. En effet, en matière d’epic-fantasy, les chemins sont balisés depuis bien longtemps et il est bien difficile de s’extraire d'un schéma qui ‘impose’ littéralement une conduite particulière au scénario. Mais là où John Marco nous propose quelque chose d’original, c’est dans la trame narrative et la succession des événements.

Le point fort de la trilogie réside sans aucun doute dans son imprévisibilité : on peut imaginer mille choses qui vont arriver, il en sera forcément autrement : les surprises arrivent à un rythme soutenu et les personnages meurent au détour des pages. En effet, Marco s’en tient à une vision fidèle de la période moyenâgeuse, ici pas de candeur ni de compromis, les choses sont elles qu’elles doivent être : rudes et crues. Le récit n'est peut-être pas original dans le sens pur du terme mais cette carence est renforcée par une intrigue des plus complexes et des plus profondes, ambition et complots politiques, recherche du pouvoir et de bonnes faveurs sont monnaie courante dans un monde où s'affrontent des royautés dominées par un empereur qui tient plus du pantin qu'autre chose. 

Note Générale : 16/20

Le scénario que nous propose John Marco sur la fantasy et la guerre, hormis quelques nuances, est ce qui se fait (de mieux serait-on tenté de dire) dans le monde de l’epic-fantasy, contexte littéraire loin d’être un modèle d’originalité. Mais là où le récit se démarque des autres, c’est dans sa succession d’événements et de coups de théâtre, sans pour autant que ceux-ci reposent sur des explications farfelues ou alambiquées, qui fait que la narration est si captivante. Ajoutez à cela une maîtrise presque parfaite des décors (surtout des batailles) et une psychologie complexe de chacun des protagonistes et vous obtenez un joli roman qui peut se targuer d’être dans les meilleurs de sa catégorie.

Certes, à ce stade, la comparaison avec le Trône de Fer de Martin est inévitable et si dans ce dernier, la place laissée au tragique et aux complots est plus importante et touche donc le lecteur plus profondément, des Tyrans et des Rois a lui préféré offrir une histoire plus courte, plus rapide mais aussi plus concentrée en événements. Et donc plus haletante. Et cela sans pour autant commettre un impair. La trame principale reste quand même dans les sentiers balisés dans la fantasy mais force est d'admettre que de nombreux éléments, souvent surprenants, relancent sans cesse la progression narrative, la rendant extrêmement captivante.

Jaquette: 13/20

Rien de bien fantastique, c'est dommage...