Les Seigneurs des Runes - David Farlan - Fantasy [09]

David Farlan - Les Seigneurs des Runes
"Mille et une Nuit de trop"

Sortie : 1998
Editeur : Tor Fantasy


Style : 12/20

L'écriture est agréable sans pour autant être fantastique. Si elle peine à plonger le lecteur dans l'intrigue et ses habitants, la plume reste mâture et bien amenée. Le concept des Runes est sans conteste le point fort de ce récit. Dans un domaine littéraire où tout, ou presque, a déjà été essayé, David Farland propose une alternative intéressante. La Magie est ainsi subordonnée à des Dons et les compétences des divers protagonistes s'expliquent par le nombre de donations qui leur sont faites. Et même si en cours de récit, on tombe malheureusement dans l’exagération, il faut admettre que le système de la magie runique proposé est parfaitement cohérent dans son principe.

Par contre, on dirait que David Farlan a totalement oublié de travailler les autres éléments magiques de son œuvre. Le concept, pourtant central, de Roi de la Terre sort de nulle part et n'est annoncé par aucun signe avant-coureur. On ne sait d'ailleurs pas ce qu'il recouvre et quelle est son inscription dans la magie des Runes. Le même reproche peut être fait aux Tisseurs de Flammes et autres mages élémentaires qui tombent dans la narration comme des cheveux dans une soupe. L'origine de leurs pouvoirs n'est aucunement expliquée et on a un peu l'impression que l'auteur les a ajouté pour remplir son quota de créatures magiques plutôt que pour soutenir efficacement sa trame.

Personnages : 07/20

Décidément, il est bien rare dans la high fantasy de tomber sur un héros charismatique. A la rédaction, on a vraiment l'impression que la plupart des cycles à succès n'offrent que des protagonistes principaux ennuyeux car trop convenus. A l'instar de Garion dans la Belgariade ou de Richard dans l'Epée de Vérité, Gaborn est le parfait archétype du boyscout dépassé par les événements mais qui parvient à survivre on-ne-sait-trop-comment. Trop peu humain dans son comportement et finalement peu attachant. Un peu comme sa relation amoureuse avec la princesse Iomé qui est totalement bâclée au niveau des sentiments, malheureusement inexistants... Et pourtant il y avait de quoi faire. Un jeune prince avec une charmante princesse en fuite face à un adversaire surhumain qui les a privé de leurs pouvoirs, c'est clairement un pitch qui permet les envolées littéraires en matière de création de personnages. Et des auteurs, comme Tad Williams dans le cycle de l'Arcane des Épées par exemple, sans être pour autant être original, se sont acquittés sans problème de ce cahier des charges en le bonifiant.

Là, point de sublimation. On n'a droit qu'à un couple de héros à la guimauve à se mettre sous la dent et un grand méchant sans charisme et surtout sans intelligence. D'après ce qu'on comprend de ses motivations, il souhaite attaquer les royaumes du Nord afin de lutter plus efficacement par la suite contre d'autres ennemis, plus puissants, les Maraudeurs. Okay mais dans ce cas pourquoi faire la guerre aux nations qu'il souhaite unifier contre les opposants susdits ? N'est-il pas possible d'agir autrement, surtout avec un millier de Dons d'Intelligence et de Charisme ? Et dire que d'aucun le considèrent comme un méchant crédible, franchement, ça donne une idée des critères de qualification des fanatiques du cycle.

Scénario : 10/20

Le moins qu'on puisse c'est que l'histoire met réellement du temps à se mettre en place. Les premiers chapitres sont à ce titre des condensés de clichés de Fantasy pour enfant prépubère. Le script est aussi simple que ridicule : Gaborn, notre héros donc, souhaite rencontrer la reine Iomé dans son pays pour apprendre à l'aimer. Ni plus ni moins. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on est loin d'être déçu en la matière : dialogues cucul et comportements enfantins insipides s'enchaînent le temps qu'il faut pour se familiariser avec la magie runique, c'est-à-dire trop longtemps.

Ensuite, une fois l'histoire posée, celle-ci préfère se prélasser à la place de concentrer son action plus efficacement surtout au vu des événements, bien maigres, qui s'y passent. Les notions géopolitiques, bien que développées dans ce roman, sont plutôt mal maîtrisées et on a pas vraiment l'impression qu'un quelconque jeu politique se déroule derrière les scènes de bataille qui parsèment ce roman. En outre, on a cette désagréable impression que l'auteur fait traîner en longueur l'affrontement entre les Orden et Raj Ahten comme pour dire au lecteur que la suite aura lieu au prochain numéro. Autant cela ne me pose pas de problème en temps normal de terminer un tome sur un cliffhanger histoire de pousser à la lecture du suivant, autant il faut que le corps du bouquin reste intéressant. Et là ce n'est pas vraiment le cas. Les micro-chapitres qui s'enchaînent n'apportent pas grand chose à la narration et on s’ennuie malheureusement très vite. Et ce ne sont pas vraiment les interactions, amoureuses ou non, entre les personnages qui nous feront dire le contraire...

Note Générale : 09/20

Loin d'être le classique de la Fantasy annoncé par les critiques, le roman de Farlan n'est même pas une référence en la matière. Sans critiquer les choix pris par l'auteur, il faut bien admettre que ses créations manquent cruellement de saveur. Aucun protagoniste ne vient relever la sauce d'un casting sans relief et le monde parcouru laisse le lecteur mi-figue mi-raisin. D'un côté on a un univers féodal assez peu développé et seulement représenté, ou presque, par la maison Orden et de l'autre, un Orient sans saveur à la limite de la caricature. En outre, impossible de faire fi d'une histoire qui traîne en longueur une seule scène de bataille, et où finalement peu de choses se passent. Peut-être que le premier tome n'est qu'un prélude aux suivants qui annoncent une trame peut-être plus palpitante mais en tout cas il ne donne pas vraiment envie de continuer tant la lecture devient parfois ennuyeuse.

Jaquette : 16/20

L'avatar dont le corps est imprimé de Runes. Le point névralgique du roman est arrière-fond. Il s'agit d'une couverture peut-être fort épurée mais vraiment graphique et qui, en tout cas, accroche bien l’œil.