Possession - A.S. Byatt - Réalisme [14]

A.S. Byatt – Possession
« Mélusine »

Sortie : 1990
Editeur : Chatto & Windus



Style : 18/20

La plume de Byatt, d’une maîtrise impressionnante, est tout ce qu’il y a de plus précis et de romanesque. Elle nous entraîne à merveille dans l’univers si particulier des universitaires british et elle y parvient avec brio, allant jusqu’à évoquer mentalement la poussière des livres jaunis par le temps et les bibliothèques aux volutes assommantes. En plus de fourmiller de nombreuses références à des auteurs – et de montrer par là sa maîtrise historique – elle va même jusqu’à se faire victorienne dans sa construction quand elle se met à écrire de longs poèmes à la manière d’écrivains d’antan. Et si on pourra lui reprocher des constructions à la fois sibyllines, alambiquées et désuètes, elles n’en restent pas moins le reflet d’une auteure cultivée et littéraire qui parvient à nous plonger dans l’atmosphère qu’elle crée, c’est-à-dire, une atmosphère de personnages cultivés et littéraires.

Personnages : 15/20

Un beau ramassis d’universitaires en tweed pelucheux et poussiéreux constitue le cœur des protagonistes qui vont nous accompagner dans cette histoire et le moindre qu’on puisse dire, c’est qu’ils ne provoquent pas la sympathie ou l’attachement. En effet, Byatt nous présente ses créations, non pas comme des archétypes car la qualité de création est évidemment notable, mais comme des coquilles contenant divers traits propres aux chercheurs réellement passionnés par ce qu’ils font et ce sont ces traits qui provoquent au pire l’antipathie, au mieux l’indifférence. Ainsi les Roland (chercheur débonnaire et adepte de toutes sortes de masturbation intellectuelle), les Maud (féministe froide et glaciale), les Copper (collectionneur fanatique) et autres universitaires un peu collet-monté ne sont pas là pour que le lecteur s’y identifie mais Byatt, en le forçant à accepter ces anti-héros plus minables qu’insolents, le renvoie finalement à ses propres contradictions, à son propre désir de savoir. On soulignera également la création des personnages de Ash et de LaMotte qui sont façonnés avec la même précision et le même souci du détail que ceux déjà cités.

Scénario : 13/20

L’histoire met en avant la quête frénétique d’universitaires tentant d’exploiter une faille biographique chez un certain poète victorien du nom de Randolph Henry Ash. Elle nous entraîne ainsi dans un univers où chacun est prêt à tout pour dénicher l’information sur ce dernier mais aussi dans une double histoire d’amour qui se développe en parallèle entre nos deux protagonistes et leurs modèles littéraires respectifs, et si cette similitude n’est sujette à l’étonnement narratif, elle est néanmoins rondement menée. Byatt nous renvoie aussi à la problématique de Roland qui est justement celle de la « possession » et des limites, notamment de l'intrusion dans la vie privée, à la recherche du savoir.

Malheureusement, là où le bât blesse, c’est dans la longueur du roman qui, couplée à une écriture parfois alambiquée et fort littéraire, ne prêche pas pour sa facilité de lecture. Malgré la qualité de ceux-ci, les (très) nombreux poèmes et correspondances épiscopales qui se trouvent entre chaque pause dans le récit alourdissent inévitablement la narration et, si dans les premiers temps de la lecture, ils seront lus, rien ne garantit qu’ils le seront toujours une fois la centaine de pages passée. La trame principale à proprement parler ne mérite en aucune manière un tel récit de plus de 700 pages (surtout qu'elle se résume à peau de chagrin) et aurait dû bénéficier d'un écrémage car on sent des longueurs discutables, surtout que les péripéties ne sont pas si nombreuses que ça. On ajoutera à cela une fin plutôt convenue qui ne parvient pas vraiment à mettre un point d’orgue à la conclusion d’une si longue aventure romanesque.

Note Générale : 14/20

Un roman qui s’adresse à un public averti, pas dû au fait qu’il contient des passages choquants ou sensibles mais plutôt parce que pour profiter de cette histoire romanesque à sa juste valeur, il faut malheureusement jouir d’un bagage littéraire et historique conséquent. Certes, ces tournures littéraires complexes ne contribuent qu’à la cohérence de l’œuvre mais elles peuvent être un frein à la lecture. Surtout si on y ajoute un tas de poèmes et de lettres écrites dans un style victorien à la fois dur à la compréhension et doublant le nombre de pages à lire. Sans aucun  doute, un roman complet comme il l’a été déjà maintes fois énoncé, à la fois histoire d’amour, recherche biographique et critique de celle-ci, pastiche, recueil de poésie et satyre du milieu universitaire, mais qui aurait mérité un apurement du texte pour en arriver à un jet plus concentré et plus riche qui aurait stimulé davantage le plaisir de lecteur, avec, évidemment mais en annexes, les poèmes concoctés par Byatt.

Jaquette : 15/20

La tapisserie est jolie, cela illustre à la fois le côté romantique et poétique de l’œuvre