Marshall Mathers LP - Eminem - Rap [17]

Eminem - Marshall Mathers LP
"Artiste aux mille facettes"

Sortie: Mai 2000
Label: Shady Aftermath/Interscope


Voix/flow: 18/20

Malgré son physique de jeune persécuté blondinet, Eminem en cache beaucoup plus qu’il ne pourrait y laisser paraître au premier abord. Son flow est une véritable machine à tuer, en témoigne l’outshinage de Bizarre, légèrement à la ramasse, sur Amityville, de tout son crew sur Under The Influence et même d’un collectif composé de Snoop Dogg, X-Zibit et Dre qui doit se résigner à subir, impuissants sur le beat, le flow de sieur blondinet. Seul finalement parvient à ‘survivre’ Sticky Fingaz qui avec sa voix opère une véritable symbiose avec Eminem, symbiose déjà présente sur l’album BlackTrash dans la track délirante If I Was White.

Sa voix restant claire et compréhensible, Eminem est capable d’augmenter subitement son débit, alternant ainsi entre accélération et décélération (I’m back), d’adopter un flow calme et touchant sans pour autant trop en faire (Stan) ou d’intégrer toute sa violence et son humour noir sur un son (Kim).

Lyrics: 18/20

Perfectionnant la technique riche en multis utilisée sur Slim Shady LP, Eminem hausse encore son niveau lyrical en proposant des schémas de rimes totalement révolutionnaires et extrêmement compliqués. Comme son comparse Royce Da 5’9, on dénombre pas moins de quatre voire parfois cinq multis par mesure et de parfois treize syllabes. La chanson Way I Am et notamment le premier couplet, sans doute l’un des sons les plus techniques des années 2000 en matière d’allitérations, en est l’exemple parfait et démontre pendant plus de 4 minutes toutes les qualités de rimes de son interprète.

Mais son talent sur la forme de ses textes ne s’arrête pas là, il est aussi capable de balancer des lots de punchlines souvent dans un humour noir sarcastique et hilarant à souhait (The Real Slim Shady, Bitch Please, Under The Influence) mais surtout, pris dans son personnage de fou furieux nommé Slim Shady, il se permet de varier son fond sur une kyrielle de thèmes tous aussi déjantés les uns que les autres. Il projette l'assassinat de son ex-compagne sur un texte extrêmement violent (Kim), parle de son attirance pour la drogue (Drug Ballad) et, surtout, met en avance le côté dément de son alter-ego sans pour autant tomber dans le trip malsain comme Necro.

Il est aussi capable de textes plus profonds et beaucoup plus touchants, en témoigne notamment Stan où il nous peint magistralement la vie foireuse d’un jeune fan qui sacrifie tout pour son idole; le terme Stan, devenu populaire, étant même réutilisé par d’autres mcees pour décrire une groupie (Nas dans Ether par exemple). Il en profite même pour tailler les médias qui donnent une mauvaise image de lui et qui engendrent des méfaits inéluctables et critique également la société dans sa recherche de bouc émissaire et la tourne astucieusement à la parodie (Who knew, Criminal). On y trouve aussi le touchant Marshall Mathers sur lesquels Em' tire des boulets rouges sur tous ses détracteurs...

Instrus: 14/20

La moitié de l'album est assuré par Dr Dre et Mel-Man et l'autre par Eminem et F.B.T. Productions. Si la première partie aussure sans trop de problèmes une bonne livrée sans pour autant qu'elle soit inoubliable, la deuxième, nous offre tout un tas de productions loufoques (Amityville) sur lesquels Shady, seul, va se créer sa propre identité. Et même si ces dernières ne sont pas vraiment mémorables à proprement parler, le talent de Eminem suffit à les embellir.

Note Générale: 17/20

Malgré une image extravagante qui lui colle à la peau, Eminem est sans conteste un artiste sérieux aux nombreuses facettes et chacune d’entre elle est gorgée de talent. De plus, il est l’un des rares artistes renommés mondialement à pouvoir jouir de la même popularité du côté mainstream que du côté underground. Et pour cause, le public de sieur Shady est scindé en deux clans bien distincts pour lesquels il se doit de concilier sa musique. Tout d’abord, un public en majeure partie pubère qui se délecte de son côté délirant et fouteur de merde en l’écoutant sur des chaînes de radio mainstream. Et de l’autre, les B-Boys qui, au-delà de la personnalité loufoque du bonhomme, ne peuvent qu’acclamer la sortie de ses sons tant il sait concilier fond et forme.

« I’m the black music / I’m the white music » dit-il sur Who knew, la situation est résumée.

Jaquette : 14/20

La maison où Shady a grandit en arrière-plan montre le côté autobiographique de l'album.